À public averti, exposition pointue. C’est en délégation que les référents fédéraux Intelligence artificielle de la CFE-CGC ont visité, le 22 octobre, l’exposition de l’Apec sur le travail de demain. Tous des élus pour qui l’évolution des métiers et du dialogue social sous l’effet des transitions modernes constitue le pain quotidien. Avec eux, Nicolas Blanc, secrétaire national à la Transition économique (à droite sur la photo) et Pascal Fabre, expert confédéral (à gauche sur la photo), pouvaient aussi se targuer d’une bonne approche futuriste. Ils ont trouvé à qui parler avec Isabelle Gire, responsable de la Prospective à l’Apec et organisatrice de l’exposition sur le travail de demain.
UNE PREMIÈRE EXPOSITION ITINÉRANTE
Qu’a voulu démontrer l’Apec en organisant ce parcours spectaculaire qui combine des supports écrits, graphiques, photographiques, vidéographiques, interactifs et même robotiques ? « Une première étape est née à l’initiative du conseil d’administration de l’Apec qui en 2022 a demandé pour son séminaire de fin d’année d’avoir une idée prospective de ce que pourrait être la relation au travail en 2030, raconte Isabelle Gire. La direction de la Stratégie, Innovation et Digital de l’Apec s’est donc plongée dans la littérature et les expertises pour concocter un premier jet de 18 tendances qui lui paraissaient impactantes sur le travail. Elle en a tiré une exposition assez légère et itinérante, qui tourne toujours d’ailleurs actuellement. Puis elle a actualisé ses recherches en retravaillant la totalité du fond et de la forme pour aboutir à 15 tendances prospectives que nous avons organisées en 4 « chocs » : démographique, numérique, climatique et le travail transformé. »
Ces quatre « chocs » sont donc des univers prospectifs tout en n’étant pas de la science-fiction. « Ce ne sont pas forcément des mouvements massifs à l’heure actuelle, mais des signaux qui constituent des futurs crédibles. Nous avons pris comme cible 2030 et non pas 2040 ou 2050 parce que cette date est suffisamment proche pour que les visiteurs puissent la relier dès aujourd’hui à leur propre métier », explique Isabelle Gire.
L’EXEMPLE DU « CHOC » DÉMOGRAPHIQUE
À l’intérieur de chacun des « chocs » on trouve des choses qui sont déjà connues plus ou moins, mais dont la synthèse est reformulée. Sur le thème démographique par exemple, l’exposition prend comme postulat de base le vieillissement de la population (30 000 centenaires en France aujourd’hui, 200 000 attendus en 2050) et les progrès de la médecine. D’où un impact sur les métiers du care. D’où la question du manque actuel d’infrastructures et de main d’œuvre en France dans ces métiers, en parallèle avec la montée de la robotisation dans les Ehpad et les hôpitaux (où des robots sont déjà utilisés pour transporter une personne d’un lit à un autre). D’où aussi, du fait de la baisse de la natalité, la diminution du nombre de jeunes entrant dans le système éducatif et donc à terme de diplômés dans les métiers ayant des besoins de main d’œuvre. D’où la question du vieillissement de la population dans les entreprises et les problématiques qui en découlent comme l’accompagnement de la fin de carrière des seniors. D’où également, in fine, la question d’un afflux migratoire nécessaire pour pouvoir continuer à faire tourner l’économie et la société.
Les tendances et les combinaisons de tendances sur les questions du numérique et de la transition écologique sont décortiquées de la même manière : intelligence artificielle, robotique, talent crunch dans les métiers du numérique, poids dément des Gafam sur nos vies, nouvelles notions de « green cadres » et d’écotafeurs, impact du réchauffement climatique sur les métiers en extérieur, pollution causée par les data centers, montée du travail indépendant, « plateformisation » de la société (Uber, Airbnb, Doctolib…), distinction entre Talent Economy et Gig Economy, apparition d’une nouvelle catégorie de « travailleurs du clic », etc.
ÉLARGISSEMENT ET INCARNATION
Toutes ces tendances sont exposées, documentées, reliées entre elles et incarnées à la fin dans trois portraits de personnages exerçant de nouveaux métiers en 2030. On ne connait que leur prénom mais ils sont interprétés en vidéo par des comédiens et on peut s’asseoir à leur bureau et toucher les objets de leur (futur) quotidien. Bertrand, 65 ans, reconverti d’un job de production dans une PME sucrière des Hauts-de-France vers un métier de « Responsable de l’anticipation des risques et des crises ». « Je vous donne une anecdote, raconte aux visiteurs de la CFE-CGC Isabelle Gire : ce matin, lors de la réception d’un club de l’innovation, un monsieur est venu vers moi et m’a dit : j’ai un nouveau métier, je suis Responsable de l’Impossible ! ». Surya, trentenaire, réfugiée climatique en provenance d’Indonésie, ingénieure de formation, devenue « Inspectrice en frugalité », un job de consultante pour les entreprises. Émilie, infirmière en 2024, « Roboticienne » en 2030, pilote et réparatrice du parc de robots d’un Ehpad. Trois profils catalysant les évolutions.
L’exposition a lieu dans les locaux de l’Apec, boulevard Brune, à Paris. Elle se visite uniquement sur rendez-vous. Depuis son démarrage cet été, elle a accueilli de nombreux groupes de fonctions RH, fédérations professionnelles, responsables associatifs, clubs d’innovation, cadres en transition professionnelle, aménageurs de bureaux et même des membres de l’Etat-major de l’Armée. « Notre objectif est vraiment d’amener les visiteurs à réfléchir aux impacts dans leur organisation de l’ensemble de ces tendances », résume la responsable de l’Apec. L’exposition y parvient très bien.
Gilles Lockhart